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Blockchain solaire : une révolution énergétique ?

Les panneaux solaires fleurissent de plus en plus sur les toits des Français. Et pour cause, ils permettent de réaliser de belles économies sur la facture d’électricité. Qu’il s’agisse de panneaux photovoltaïques (production d’électricité) ou des panneaux solaires thermiques (production de chaleur pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire), le gain est réel et indiscutable.

 

Cependant, tout le monde ne peut pas faire installer des panneaux solaires, que ce soit pour des raisons techniques ou financières. De plus, le taux d’autoconsommation moyen en France représente seulement 30 % de l’énergie solaire produite. Sans système de stockage, et hormis dans le cas de la vente du surplus à EDF, c’est donc 70 % de la production qui est perdue. Mais si on vous disait qu’une solution existe pour faciliter le partage de l’énergie solaire ?

 

Les plus geeks ont déjà dû entendre parler de la blockchain, même si cette notion reste floue pour beaucoup. Et si ce n’est pas le cas, ne partez pas, nous allons faire le point sur son principe. En effet, le potentiel de la blockchain est considérable pour améliorer divers secteurs qui régissent notre quotidien, à commencer par celui de l’énergie.

Sommaire de l'article

I. Blockchain : définition et fonctionnement

La blockchain (chaîne de blocs, en français) est une technologie qui permet de stocker, de sécuriser et d’échanger des données de manière décentralisée. Autrement dit, elle est indépendante et sans organe de contrôle. Pour autant, elle repose sur la transparence, la sécurité et l’incorruptibilité.

 

Si elle est surtout connue pour être une technologie liée à la cryptomonnaie, ce n’est pourtant pas son utilité première. Effectivement, l’idée initiale du japonais Satoshi Nakamoto (inventeur supposé du Bitcoin, la toute première cryptomonnaie) était de développer un système autonome plus rapide que le système classique pour les transactions (informations et argent).

 

Chaque transaction constitue donc un bloc de la chaîne, laquelle est distribuée à travers un grand réseau d’utilisateurs à travers le monde. Tout changement est vérifié et enregistré par chacun sans possibilité de modification.

 

Vous vous en doutez, cela requiert beaucoup de ressources. À ce titre, des membres (appelés mineurs) sont depuis toujours mis à contribution en partageant leurs ressources informatiques. Ce n’est que bien après sa création qu’un système de récompense a été mis en place : les Bitcoins. Ces derniers ont par la suite entraîné l’apparition de nombreuses cryptomonnaies, avant que la spéculation et les investisseurs ne fassent, eux aussi, leur entrée dans la danse.

 

Cela vous semble peut-être déjà évident, mais la technologie blockchain a bien d’autres applications potentielles, notamment dans le secteur de l’énergie. En effet, elle pourrait significativement contribuer à rendre les réseaux électriques plus intelligents et efficaces, par exemple en facilitant les transactions entre producteurs et consommateurs d’électricité.

II. Blockchain solaire : le potentiel de la combinaison des deux technologies

Comme nous venons de l’évoquer, la blockchain repose sur le stockage, l’échange et la sécurisation des transactions.

 

Ainsi, la première application de la blockchain solaire concerne les échanges d’énergie solaire entre membres (peer-to-peer). Les transactions entre particuliers seraient directes, sans aucun intermédiaire centralisé. Par exemple, les propriétaires de panneaux solaires pourraient vendre leur surplus d’électricité à leurs voisins. Cela favoriserait les micro-réseaux locaux et l’énergie solidaire.

 

Dans un autre contexte, la blockchain solaire permettrait l’optimisation de la gestion de l’énergie. Les fournisseurs d’électricité pourraient obtenir et stocker les informations relatives à la production et à la consommation d’énergie, et ce, pour mieux ajuster l’équilibre entre l’offre et la demande.

 

Et parmi les autres avantages, la blockchain pourrait concourir au financement participatif. Après tout, aujourd’hui encore, une cryptomonnaie cache bien souvent un projet technologique. Les investisseurs (et non pas les tradeurs et spéculateurs) achèteraient la cryptomonnaie inhérente au projet, parce qu’ils croient en la technologie développée. Dès lors, la blockchain permettrait aux citoyens de soutenir financièrement des projets solaires locaux.

III. Blockchain et panneaux photovoltaïques : l’exemple de SolarCoin

SolarCoin reprend le principe du soutien de projet, mais à l’inverse des cryptomonnaies habituelles, c’est elle qui soutient le développement de l’énergie solaire. Elle récompense entre autres la production et l’autoconsommation d’énergie solaire à travers le monde.

 

Concrètement, après avoir installé vos panneaux photovoltaïques, vous vous inscrivez auprès de la Fondation SolarCoin. Vous enregistrez votre installation et fournissez des éléments de preuve (contrat d’achat, nombre de MWh produits, etc.). Tous les 6 mois, vous percevez des SolarCoins gratuitement selon le nombre de MWh concernés. De plus, vous pouvez vendre votre surplus (énergie solaire non consommée) sur la blockchain, directement à d’autres membres.

 

Pour utiliser vos SolarCoins, vous pouvez :

  • les échanger contre une autre cryptomonnaie ;
  • les vendre contre des euros ;
  • payer vos factures d’énergie (en France, seul EkWateur, un fournisseur alternatif d’énergie, accepte le paiement en SolarCoins).

Évidemment, il y a encore du chemin à parcourir, car la valeur du SolarCoin est encore peu élevée. Mais plus il y aura de SolarCoins distribués, plus la valeur de la cryptomonnaie augmentera, d’autant plus que l’entreprise a créé 97,5 milliards de SolarCoins.

 

Cependant, petit bémol avec cette cryptomonnaie, il faut produire 1 MWh, soit 1000 kWh, pour obtenir 1 SolarCoin. En sachant qu’une installation solaire de 6 kWc produit en moyenne entre 5 400 kWh et 8 400 kWh/an en France (variable selon les régions), cela équivaut seulement à 5 ou 8 SolarCoins/an. Sur la base de la valeur d’un SolarCoin en janvier 2024, soit de 0,0330 €, il faut donc produire 30 MWh (30 000 kWh) pour 1 €, soit 3 à 5 ans de production solaire. En bref, le résultat n’a rien de très engageant.

 

Ce point s’ajoute au fait qu’en parallèle, il faut encourager les entreprises du secteur photovoltaïque à accepter les SolarCoins comme moyen de paiement pour la fourniture de biens et services.

IV. Blockchain / solaire : l’exemple de Prémian et Sunchain

Nous parlions précédemment de l’association blockchain et solaire comme d’une solution pour faciliter le partage d’énergie solaire entre personnes, et surtout comme aide à l’optimisation de la gestion de l’énergie. Voici donc un exemple qui illustre parfaitement ces deux applications possibles : le projet d’autoconsommation de 6 bâtiments dans le sud de la France, à Prémian, en Occitanie. Ce projet de blockchain, développé par Sunchain, implique entre autres le gestionnaire de réseau de distribution d’électricité Enedis.

 

La blockchain permet ainsi de fournir de l’énergie solaire à 6 consommateurs de la commune dans le cadre de l’autoconsommation, le tout avec un système photovoltaïque administré par la municipalité. En ce sens, une installation solaire de 28 kWc a été installée sur le toit d’un bâtiment public. Celle-ci fournit l’électricité aux 6 consommateurs concernés qui, pour ce projet-test, ont des profils variés : un bâtiment scolaire, un bureau de poste, un bâtiment municipal, un centre culturel, une maison de particulier et une boulangerie. Tous sont connectés à un transformateur de moyenne à basse tension.

 

En pratique, la blockchain permet de collecter les données de l’électricité grâce à des compteurs intelligents. Ces dernières sont ensuite enregistrées et stockées dans la blockchain, puis l’énergie est équitablement répartie entre les consommateurs (ou ajustée en fonction des besoins grâce aux compteurs intelligents). Les résultats de la répartition sont pour finir communiqués à Enedis, grâce à une interface sécurisée.

 

Enedis n’a plus qu’à déduire la part d’énergie solaire attribuée à chacun des factures d’électricité (la part fournie par le réseau Enedis).

V. Blockchain solaire : des défis à relever

Les avancées technologiques dues à la blockchain solaire semblent prometteuses. Toutefois, il reste de nombreux défis à relever pour une application à grande échelle.

  • En matière de régulation et de législation, les gouvernements et les régulateurs doivent adapter les lois afin d’encadrer ces nouvelles pratiques de production et de consommation d’énergie.
  • La technologie blockchain reste encore un mystère pour de nombreuses personnes, à commencer pour les institutions publiques. Un travail pédagogique est donc indispensable pour que cette innovation bénéficie au plus grand nombre. De plus, il faudra proposer des solutions accessibles et abordables à tous.
  • Pour que ces technologies soient efficaces, une interconnexion des réseaux électriques et des systèmes informatiques (énergie solaire et blockchain) doit être mise en œuvre. Cela passe entre autres par le développement d’infrastructures.
  • La technologie blockchain nécessite beaucoup de ressources énergétiques pour sécuriser les transactions. L’énergie majoritairement utilisée est électrique, ce qui reste paradoxal, voire contre-productif. L’utilisation de l’énergie solaire doit donc être étendue au fonctionnement de la blockchain.

En bref, s’il reste encore beaucoup de travail pour combiner l’énergie solaire et la blockchain, les projets en cours sont prometteurs et ont le mérite d’exister. Les premières expériences en matière d’énergie solaire solidaire et collaborative donnent en plus matière à réflexion pour une utilisation à plus grande échelle. Outre le fait de frapper fort en matière de transition énergétique, il s’agirait aussi d’une solution pour faciliter l’accès au solaire et aux économies inhérentes à tous. Alors, la blockchain permettra-t-elle bientôt à tous de profiter de l’énergie gratuite du soleil ?

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